• Virtual love 4

    J’étais décidée. Non pas à rendre le jeu, mais à demander des explications au vendeur ! Il devait bien le connaître, vu qu’il me l’avait déconseillé soit disant qu’il était dangereux. Je voulais savoir pourquoi toutes ces choses bizarres m'étaient arrivées. Était-ce lui aussi qui m’avait envoyé la menace sur le mail ? Il me fallait tout élucider. Je voulais continuer de jouer tranquillement, sans avoir de douleurs ni parler aux personnages de ma propre voix...

    Et si tout cela n’était que ma propre imagination ? Si le vendeur était innocent dans tout ça ? Alors je serais devenue folle et je serais dans l'obligation d'aller voir un psy. Mais il en était hors de question ! Je savais que je n'étais pas folle et d'ailleurs, j'étais sur le chemin de son magasin...

    J’arrivai devant sa petite boutique. Je la reconnaissais bien grâce aux multiples jeux qui étaient exposés derrière une grande vitrine. J’ouvris la porte et me dirigeai vers le vendeur en posant la boite du jeu sur le comptoir. Bien sûr, je n’avais pas remis le disque dedans au cas où il me le reprendrait de force. Et oui, je prévoyais tout, moi !

     Devant les yeux écarquillés de l'homme, je m’exclamai sans cacher ma colère.
    -Que signifie tout ça ?!
    J'avais l'impression, en fixant le regard du vendeur, qu'il me disait "Tu vois, je t'avais prévenu !" Mais à la place, il me demanda d'une voix moqueuse.
    - Que se passe-t-il ? Le jeu ne te plaît pas ? Je peux le reprendre si tu veux.
    Se fichait-il de moi ? Ou le faisait-il exprès ?
    -Non, je veux savoir si c’est mon imagination ou si je suis devenue folle... Depuis que j’ai ce jeu, il ne m’arrive que des choses bizarres ! Vous y avez joué, vous devriez me révéler la vérité !
    Le vendeur émit un petit rire. Mais en même temps, je voyais qu’il était inquiet.
    -Non… En fait, je n’y ai jamais joué !

    Quoi ? Il n'y avait jamais joué ? Alors c'était pour ça qu'il voulait tant me le reprendre... Normalement, il était interdit de vendre un jeu si on ne l'avait pas essayé avant... Maintenant, je savais pourquoi ! Était-ce aussi pour ça qu'il m'avait avertit que ce jeu était dangereux ? Et s'il me cachait quelque chose ?
    -Mais alors pourquoi m'avez-vous répéter qu'il fallait que je fasse attention... Que le jeu était dangereux ? Je paris que vous saviez que, par exemple, les personnages pouvaient nous entendre...
    Le vendeur, qui commençait à se lasser de mon problème, répondit sur un ton énervé.
    -Je n'en sais rien, moi, s'il est dangereux !!! Je te le redis, je n'y ai jamais joué !!! (Il continua, cette fois, en éclatant de rire) Mais... Hahaha, on ne me l'avais jamais faite celle-là... Hahaha parler aux personnages, et puis quoi encore ? Bientôt on va me dire "Un personnage du jeu m'a blessé avec son arme" hahaha !!! Tu as beaucoup d'imagination en tout cas.

    Je ne savais pas quoi répondre. J'étais en même temps honteuse, humiliée et toujours sans réponses à mes questions ! Que pouvait-il y avoir de pire ? Je repris violemment la boite de mon jeu qui était posée sur le comptoir et quittai la boutique sans demander mon reste, dans l'espoir de ne plus jamais y remettre les pieds. Tant pis, il faudra que je me débrouille seule. Mais je n'avais pas l'intention d'arrêter de jouer à "World Darkness".
    ~~~
    De retour chez moi, je montai dans ma chambre et, après m'être installée, allumai mon ordinateur. Maintenant j'avais comme une sorte de petite boule au ventre, accompagnée d'une envie irrésistible de jouer. Cette question me revenait souvent en tête "Qu'allait-il m'arriver aujourd'hui ?" Un bras coupé ? Une entorse ? Ou, tant qu'on y est, un empoisonnement ?"

    J'allai sur "Internet" et consultai mes mails. Comme d'habitude, j'avais de la pub et aucun message de mes parents ni de mes amis. Cependant, je vis un courriel intitulé "World Darkness"... Bizarre, il me semblait pourtant l'avoir supprimé. Mais la petite icône représentant une enveloppe fermée m'indiquait que je ne l'avais pas ouvert. Dons c'en était un nouveau... Je cliquai dessus.
    "Arrêtez de jouer à ce jeu... arrêtez de jouer à ce jeu... arrêtez de jouer à ce jeu..."

    Il y avait des centaines de fois la même phrase... Mais pourquoi m’écrivait-on ça ? Quelqu'un qui m'en voudrait... Ou qui chercherait à me protéger de quelque chose... Le destinataire était le même que l'ancien message. Qui pouvait écrire de telles choses ?! Je me forçai à ne pas avoir peur ; c'était sûrement le but de ce message ! Cependant, je ne souhaitai plus en recevoir. Je décidai donc de lui répondre...
    "Vos messages ne me font pas peur du tout. Merci d'arrêter de m'en envoyer. Si j'ai des problèmes, j'aimerais que vous ne vous en mêliez pas. Cordialement".

    Voilà. Je cliquai sur "Envoyer" avec un petit sourire aux lèvres. Pour me changer les idées, je décidai d'aller faire un tour sur mon blog d'astuces et d'en écrire le plus possible. Au moins, si je devenais puissante, plus personne ne pourra me donner de coups d'épée.

    Arrivée sur le blog, je cliquai sur le lien "Astuces". En attendant la fin du chargement de mon écran, je tirai l'un des tiroirs de mon bureau et pris la première feuille d'un gros paquet. Les astuces venaient d'apparaître. Je me mis à en noter quelques unes car mon envie de jouer grandissait tellement que ma main refusait d'écrire le maximum. De toute façon, si j'avais besoin d'une astuce particulière, je n'avais qu'à revenir sur ce blog. Il y en avait que j'avais noté inutilement mais je les avais écris au cas où j'aurais un trou de mémoire.
    "Comment ne pas se faire attaquer par les loups ?"
    "Comment changer de niveau facilement ?"
    "Comment avoir des pecas sans faire d'effort ?"
    "Trouver l'épée Stravelus"...

    Bien évidemment, j'en avais noté d'autres. J'avais tellement hâte de les essayer ! Je quittai "Internet" et cliquai sur mon jeu. Le bouton que je commençais à bien connaître s'afficha et je pus continuer de jouer. Je retrouvai mon personnage aux cheveux bruns, aux yeux verts... Bref ma sosie virtuelle ! Cependant, je remarquai qu'il y avait un papier à côté de moi... Enfin, à côté de mon personnage ! Je le ramassai en cliquant dessus et le lu.
    "Rendez-vous vers la Contrée des loups. Vous y trouverez un Altirys. Attaquez-le !"

    Je n'aimais pas beaucoup cette mission. La dernière fois que j'avais attaqué un Altirys, je m'étais retrouvée avec une coupure sur l'épaule... Heureusement, ma cicatrice ne se voyait presque plus. Peut être qu'en utilisant un autre code de triche, je pourrai réussir ma mission sans me blesser... Maintenant que je savais que je pouvais me faire toucher par une épée alors que j'étais derrière un écran -d'ailleurs je me demande toujours pourquoi- je  préférai prendre mes distances avec les Altirys.

    Mais je n'avais pas très envie de réutiliser un deuxième code... Je ne voulais pas décevoir une fois de plus mon entraineur... Ça y est, je parlais de Tolarys comme si c'était une vraie personne... J'étais en train de devenir folle et en plus, j'en étais consciente ! Je commençais à en avoir marre... Pourtant quelque chose m'empêcher d'arrêter de jouer à ce jeu... Comme s'il y avait une sorte de drogue...

    Mon personnage se dirigeait petit à petit vers la Contrée des loups. En attendant qu'il ait finit son chemin, je fermai les yeux et me concentrai sur ce que je ressentais. Mon visage recevait une sorte de courant d'air froid. D'instinct, je mis une main sur mon visage et rouvris les yeux.

    Peut être me dira t-on "Tu as beaucoup d'imagination" si je décrivais mon écran mais pourtant, c'était réel ; je le savais ! Ce n'était pas par hasard que mon personnage avait lui aussi mis sa main sur son visage en même temps que moi ! Pour être sûr de mon innocence dans tout ça, je levai mon bras droit. Mon personnage fit de même. Pendant plus de dix minutes, je fis d'autres petites expériences qui finirent par m'amuser.  Non, ce n'était pas mon imagination, comme disait le vendeur.

    Après quelques minutes de marches, j'aperçus un homme vêtu de violet. Derrière lui, l'on pouvait observer les montagnes au loin et un peu de neige. L'homme avait de courts cheveux châtains et des yeux d'un noir intense qui fusillaient quiconque les fixait. Mon petit doigt me dit que c'était l'Altirys dont parlait ma mission. Je fis une petite grimace à l'idée de me retrouver avec une coupure en plus mais si cela devait arriver, je n'hésiterai pas à faire un code. Même si Tolarys n'était pas d'accord !

    Pourtant, je voulais essayer... Essayer de me battre sans mon clavier, jouer à ce jeu avec mon corps et non avec ma souris. En ayant vu ce qu'il s'était passé, je pensais que j'en était capable. Je déplaçai ma main réelle vers le coté haut droit de mon pantalon, où était, normalement, mon épée et fit le geste de la sortir.

    Rien. Pas un mouvement de la part de mon personnage. Ma tentative venait d'échouer. Voyant que je ne faisais rien, l'Altirys sortit sa propre épée et la leva au-dessus de moi, prêt à frapper. Bizarrement, mon instinct de survie arriva et m'obligea à cliquer sur "Ctrl" pour l'attaquer... Enfin, surtout pour me défendre ! Soudain, j'eus l'impression qu'au moment où mon personnage donna son premier coup d'épée, je perdais l'équilibre.

    Me revoilà de nouveau par terre... Et avec une horrible douleur au crâne, en plus ! Je n'avais absolument rien compris à ce qu'il venait de se passer. Mais en tout cas, là non plus, ce n'était pas mon imagination ! La peur m'enveloppa lorsque j'eus l’impression qu'une main serrait très fort mon poignet et m'obligeait à me remettre debout. Sentant une seconde de liberté, je me remis sur mon fauteuil et découvris ce qu'on était en train de faire subir à mon personnage.

    D'autres Altirys venaient d'arriver. Ils avaient emportés une corde grise assez fine avec eux. Une corde ? Pourquoi une corde ? La réponse ne tarda pas à arriver lorsque l'un des hommes m'attacha les mains derrière le dos. Allons bon, qu'est ce qui allait m'arriver ? Ça faisait partit du jeu, ça ? En tout cas, ce n'était pas MON IMAGINATION !

    Il fallait que je m'en aille. L'un des hommes poussa mon personnage qui, d'ailleurs, avança sans que je puisse utiliser ma souris. J'essayai de lever ma main pour la mettre sur ma souris. Elle resta collée sur mon bureau... Mon cœur battait. J'essayai une nouvelle fois ; rien à faire, une force invisible m'empêcher de bouger... Et ce n'était pas que ma main qui était dans cet état... Tout mon corps était paralysé. CA, CE N’ÉTAIT PAS MON IMAGINATION !!!

    Les hommes emmenèrent mon personnage vers un vieil homme vêtu d'une longue tunique violette qui avait de longs cheveux blancs...  Il ressemblait comme deux gouttes d'eau au personnage dessiné sur la boite du jeu "World Darkness" ! Mais alors... C'était un mage ! En effet, à coté de lui était posée une petite marmite et quelques flacons.

    Le mage s'approcha lentement de moi, m'observant de la tête aux pieds. J'avais l'impression qu'il voulait me dire quelque chose mais qu'il ne trouvait pas ses mots -ou qu'il n'osait pas-. Dans sa main droite, il tenait une sorte de coupe remplie d'un liquide incolore. Sans dire un seul mot, il déposa le bord de la coupe sur les lèvres de mon personnage et l'inclina pour que le liquide coule.

    Je ressentis un gout horriblement amer dans ma bouche. Que se passait-il ? C'était ce liquide ? Cela ne m'étonnerait pas. Cependant, j'étais tellement tétanisée par ce qu'il m'arrivait que j'en avalais même le liquide qui était dans ma bouche. Très mauvais erreur ! A peine la substance avait-elle coulée jusqu'au fond de ma gorge que tout mon corps commença à ressentir d'affreux picotements.

    Mon écran devint de plus en plus clair... Je dirai même, il devint blanc. C'était cette même blancheur que lorsque je changeais de niveau sauf que celle-ci était mille fois plus lumineuse. Cette luminosité s'amplifia à chaque seconde qui passait. Elle brillait tellement que j'avais l'impression qu'elle débordait de mon écran. Mais était-ce qu'une impression ? Tout ce qui était autour de moi devint blanc aussi... Ou plutôt disparaissait, j'avais du mal à faire la différence !

    J'espérai que tout cela n'était qu'un cauchemar. Que j'allais me réveiller... Mais pour l'instant, j'étais dans une situation que je qualifierais de paranormale ! Tout disparaissait ; il fallait que je fasse quelque chose ! Non. A la place, il me sembla que j'eus perdu connaissance... Ou que j'étais dans une autre dimension. Tout était blanc, et moi je flottais. Mais à man grand soulagement, je n'étais plus paralysée.

    D'autres choses flottaient autour de moi. Je voyais des ombres virevolter, des épées s'entrechoquer entre elles, le chef de ma tribu en train de lire une sorte de feuille, Tolarys, le jeune et beau personnage qui m'avait sauvé et d'autres Altirys qui me fixaient, des regards sombres, le mage qui m'a fait boire cette potion... Je voyais tellement de choses que je ne pouvais toutes les décrire. En tout cas, j'étais en plein délire !

    Soudainement, toutes ces choses qui flottaient se rassemblèrent en tourbillonnant pour former une sorte de cercle noir... Ou plutôt un trou noir ! Tous les objets et les meubles de ma chambre réapparurent, comme si j'étais de nouveau réveillée mais qu'une personne avait profité de mon réveil pour peindre les murs et le sol en blanc. Enfin... Il y avait bel et bien un objet important qui n'était pas réapparut ; mon ordinateur !

    Le petit problème c'est que j'étais aspirée par ce trou noir et que celui-ci n'était -mais vraiment- pas du tout loin de moi... Pour être plus précise, il était à la place de mon ordinateur ! Ma peur était au maximum. Pourquoi avais-je acheté ce jeu ? Au moment où je frôlai cette sorte "d'aspirateur", je m'agrippai à l'objet qui était le plus proche de moi ; ma feuille d'astuces. Quelques secondes après... C'était le trou noir !
    ~~~

    Je ressentais une fraicheur anormale sur mon visage. Étais-je morte ? Non... Je pourrai, c'est vrai. Mais je savais que je vivais encore. En plus, je sentais mes poumons aspirer et expirer l'air glacé qui me chatouillait le corps. Rassemblant mes premières forces que j'avais, j'ouvris un œil, puis deux. Ma vision était encore très floue et le soleil m'éblouissait...

    La première chose que je vis fut un beau ciel bleu orné de quelques nuages aux formes étranges. J'étais donc dehors... Dehors ? Comment était-ce possible ? Je n'avais pas bougé de chez moi... Ou plutôt je n'en avais aucun souvenir ! Peu importe. Il fallait d'abord que je sache où j'étais. Je me relevai avec difficultés, m'étirai et regardai tout autour de moi.

    A première vu, le paysage ressemblait à de longs champs d'herbe sans enclos que l'on trouvait dans les campagnes. Au loin, l'on pouvait apercevoir quelques collines enneigées. Devant elles, une forêt s'étendait sur des kilomètres d'ici. Bref. J'étais n'importe où sauf chez moi. Je fis quelques pas et m'aperçus que quelque chose en moi avait changé... En réalité, beaucoup de choses avaient changé.

    J'avais, en guise d'habits, un tee-shirt vert avec une sorte de corset vert empire orné de dentelle -que je pouvais retirer sans aucun problème grâce aux boutons qui le fermait-, un pantalon souple de la même couleur mais en plus foncé et de vieilles chaussures sur le même thème mais en encore plus sombre. A ma "ceinture" se trouvait un fourreau d'épée marron vide. Je vis aussi une minuscule sacoche marron qui était posée à terre, à coté de mes pieds.

    Cette question m'angoissait : "Pourquoi ?". Pourquoi étais-je dehors dans un endroit en même temps si familier et si inconnue avec d'horribles habits verts ? Que m'était-il arrivé ? Je regardai ma sacoche dans l'espoir de pouvoir y trouver au moins un indice. Je ramasser cette chose extrêmement douce, l'ouvris et regardai ce qu'il y avait à l'intérieur.

    Alors... Quelques pièces d'argent, une feuille d'astuce... Quoi ? Une feuille d'astuce ? Oui, elle était bien là, cette merveille. Enfin quelque chose que je reconnaissais bien ! Maintenant, il fallait que je me rappelle... Mage, potion, trou noir, très beau paysage de jeu, habit vert d'Inorays... Non ?! Ce n'était quand même pas ça la réponse à ma question ?! Ho non, cela ne pouvait pas être possible... Je ne pouvais tout de même pas être dans le jeu ?!!

    Du calme, du calme. J'étais sans doute en train de rêver. Mais tout cela paraissait tellement vrai ! Que fallait-il que je croie alors ? Que c'était un rêve ? Ou que c'était bel et bien la réalité... En attendant, je suis toujours vivante et je devrais peut être me réjouir de cela. Je fouillai donc encore ma sacoche au cas où j'aurais oublié quelque chose... En effet, je sentis un morceau de papier qui chatouilla ma main. Je le sortis et le lu...
    "Rendez-vous vers la Contrée des loups. Vous y trouverez un Altirys. Attaquez-le !"
     
    Mais...  C'était l'espèce de mission qui m'avait envoyé ici... Donc j'étais bien dans le jeu. Rien de tout cela ne provenait de mon imagination ou d'un rêve... Néanmoins, ce bout de parchemin ne m'aidera pas à savoir où j'étais et ce que je devais faire pour revenir chez moi. Il fallait que je me serve de ma bonne vieille mémoire qui me jouait souvent des tours si je voulais avoir une chance d'aller quelque part...

    Heureusement, mon adorable cerveau me proposa d'aller au village des Inorays. J'y trouverai peut être de l'aide là-bas... Maintenant, je devais me souvenir par quelle direction j'étais arrivée ici et refaire le trajet en inverse. Je relu alors le mot qu'il y avait sur le papier... Les souvenirs me revinrent ; j'étais à l'extrémité de la Contrée des Inorays et celle des loups. Il me fallait donc me diriger vers le Sud-Ouest pour arriver au village... Enfin, pour espérer y arriver .


    Je me demandai comment ce mage avait fait pour m'envoyer ici... Et pourquoi ? En plus, je ne savais même pas si c'était le mage le responsable de tout ceci... Quel était le contenu du flacon ? Trop de questions inondaient mon cerveau. Perdu dans mes pensées, je ne m'étais pas rendu compte que je courrais. Je vis au loin quelques maisons qui me redonnèrent espoir ; je l'avais trouvé ! J'avais trouvé le village Inorays !

    Sans que je puisse y faire quoi que ce soit, des larmes se mirent à jaillir de mes yeux. J'avais peur... Et j'étais heureuse en même temps. Heureuse de trouver d'autres formes de vie que moi... Du moins, s'il y en avait. Je continuai de courir, le cœur battant. Je ne savais pas où aller mais à force de courir droit devant moi, je finirai bien par trouver mon chemin.

    J'entrai dans le village, les yeux mouillés et rougis par les larmes. Cette fois, je devinai à peut près pourquoi je pleurais. Toutes ces choses bizarres qui m'arrivaient... Je n'en pouvais plus ! Et j'étais en train de craquer. Je vis de vrais personnes comme moi habillées en vert, me regarder avec inquiétude. Je ne devais pas être jolie à voir. Il y avait bien des êtres humains ici ! Pourtant je le savais... Cela faisait quelques jours que je jouais à ce jeu.

    Alors que je ne regardais pas où j'allais -car à force de pleurer, mes yeux étaient devenus presque inutilisables-, je me cognais contre quelqu'un et, sous le choc, perdis l'équilibre et tombai en arrière. Je sentis deux bras qui m'empêchèrent une affreuse chute en me retenant difficilement. Je clignai plusieurs fois des yeux pour retrouver la vue...

    J'aperçus d'abord un visage d'homme me regarder, puis je pus distinguer ses détails. Il avait une peau claire, des cheveux blonds ébouriffés, des yeux bleus couleur mer  à demi-cachés par une frange et un peu de poils sur le menton... Son regard était affolé. Il était beau en tout cas... Génée par ce qu'il venait de se passer, je me mis à rougir. En y réfléchissant bien, cet homme... J'avais l'impression de le connaître...
    -Solène ? Que s'est-il passé ?

    Cette voix... Je la connaissais bien. C'était celle de Tolarys ! Non, ce ne pouvait quand même pas être mon entraineur de "World Darkness" qui était en face de moi ? J'étais en même temps surprise... Et légèrement terrifiée. En même temps, qui s'est déjà retrouvé devant un personnage de jeu ? Mais je ne pouvais le laisser partir : c'était la seule personne que je connaissais. Si je lui expliquais mon problème, peut-être m'aidera t-il à retourner chez moi...

    Voyant que la foule commençait à se multiplier, Tolarys lança d'une voix exigeante.
    -Laissez-nous seul ! Je m'occupe d'elle.
    Il m'aida à me redresser et voulut me prendre dans ses bras. D'un geste apeuré, je l'en empêchai. Heureusement, il n'insista pas. Mon entraineur me dit d'une voix calme.
    -Raconte-moi, Solène. Pourquoi es-tu dans cet état là ?
    Devais-je le lui dire ? Oui. De toute façon, je n'avais pas d'autres chances que celle-là.

    Je lui racontai donc mon histoire et comment j'étais arrivée ici après avoir suivit un message et bu une affreuse potion préparée par un mage. A la fin de mon récit, Tolarys écarquilla les yeux. L'avais-je convaincu ? Non, il éclata de rire... Ce qui me vexa énormément. Donc, il ne me croyait pas. Au moins, je savais que je ne pouvais pas me confier à lui... J'étais sur le point de partir chercher une autre aide lorsqu'il me retint.
    -Attends Solène... Tu as beaucoup d'imagination... Mais raconte-moi la vérité, s'il te plait. Et où est ton épée ?

    Beaucoup d'imagination ? Beaucoup d'imagination ?!! Je commençais à en avoir marre de ce mot ! Pourquoi personne ne voulait jamais me croire ? Alors que tout ce que je racontais était la vérité ? Et mon épée ? Quelle épée ? Ah oui, c'est vrai que j'en avais une avant d’atterrir ici... 
    -Je ne sais pas, moi. Ce sont surement ces hommes qui ont dû me la prendre...
    Cette fois, mon entraineur s'intéressa enfin à ce que je racontais.
    -"Ces hommes" ? Des Altirys ?

    J' haussai les épaules. Mon ton devenait légèrement agressant mais j'essayai au mieux de le rendre plus doux.
    -Surement, oui. Mais je ne m'en souviens plus trop... C'est comme si cette potion m'avait fait perdre la mémoire...
    Je pensai qu'il allait enfin me croire... Mais j'avais tord une fois de plus.
    -J'enverrai une patrouille voir si ces Altirys trainent toujours dans notre Contrée. En attendant, j'aimerais enfin que tu me dises la vérité !

    Des larmes de rage dégoulinèrent le long de mon visage.
    -Mais... C'est LA VÉRITÉ !!!
    Je me levai et m'apprêtai à partir loin de Tolarys mais il me prit le bras d'un air gêné.
    -Solène... Je... (Il devait être désolé mais je m'en fichais totalement) Je veux que tu me rejoignes ici demain matin... Pour ton entrainement. Je t'achèterai une nouvelle épée !

    Je lui répondis un bref "Ok". Je viendrai juste pour ne pas qu'il dépense son argent inutilement. Je m'éloignai de lui et marchai devant moi tout en visitant un peu le village. Maintenant, que devais-je faire ? Tolarys ne m'était d'aucune aide et je ne connaissais personne... Voyant que j'étais fixé par quelques personnes, j'accélérai le pas et arrivai devant une fontaine où il n'y avait personne.

    Je m'assis sur le bord de celle-ci, ouvris ma sacoche et en sortis ma feuille d'astuces. Je la lus calmement en me demandant comment j'allai faire tous ces codes si je n'avais pas de clavier... Ah, ce n'était vraiment pas mon jour de chance ! Un bruit fracassant résonna à travers le village. Je quittai ma feuille d'astuces des yeux pour savoir ce qu'il se passait.

    Une jeune fille -qui devait être âgée d'environ 10 ans- s'approcha de moi en courant. Elle avait de longs cheveux bruns ondulés et était couverte de sangs de la tête aux pieds... Ses petits yeux noirs pétillaient de peur. La pauvre, que lui était-il arrivé ? Je rangeai vite ma feuille et me rapprochait d'elle pour savoir si elle allait bien... Même si je devinais que non. Sa petite voix était essoufflée et remplie d'horreur.
    -Les... Les Altirys attaquent... Ils sont beaucoup !

    Elle avait du mal à parler et respirait vite. Je l'approchai de la fontaine, prit de l'eau dans mes mains et essayait de lui enlever le plus possible de sang. La fille n'avait pas l'air de souffrir... Dans un sens, tant mieux ! J'avais déjà assez pitié d'elle comme ça. Lorsqu'il ne restait plus que quelques gouttes de sang, je mis mes mains devenues rouges dans l'eau froide pour les laver. La jeune fille me lança un regard reconnaissant.

    Soudainement, des bruits de pas venant vers nous retentirent. La fille redevint terrifiée et me tira par le bras en me faisant comprendre que ces personnes n'étaient pas venue pour nous dire bonjour. A son aptitude, je devinai vite que c'étaient des Altirys... La fille me lâcha et se mit à courir comme elle put, en me laissant seule... Heu, que fallait-il que je fasse ? Des hommes apparurent ; je n'avais plus le temps de fuir !

    Ils étaient trois en tout... Et pas du tout accueillant. Le petit groupe m'encercla, m'empêchant de me déplacer. Chacun sortirent leur épée en ricanant.
    -Tien, une petite Inorays s'est perdue ?
    Un autre continua sur un ton triste.
    -Elle n'a aucune arme... Ho, je refuse de me battre contre une désarmée... C'est déloyal, voyons !
    Le troisième s'approcha de moi, épée levée, l'air décidé.
    -Tant pis. Il faut faire le plus de cadavre possible. Tuons-la !

    C'était étrange mais j'avais le pressentiment que je ne devrais pas rester ici... Je n'aimerais pas finir ma vie dans ce jeu, moi ! Mais, l'épée était prête à frapper. Heureusement, mon instinct de survie me força à me baisser au moment où le premier coup s'abattait. Je crus un instant que mon cœur allait sortir de mon corps... Mais ce n'était pas le cas.

    L'Altirys s'apprêta à frapper une deuxième fois. Moi, j'étais à terre, je ne pouvais plus m'échapper. Par réflexe, je rentrai ma tête dans les épaules en fermant les yeux et en priant pour qu'un miracle se produise... Il me sembla que je n'avais jamais eus aussi peur de ma vie.

    Un bruit de métal retentit... Pourtant l'épée ne m'avait pas touché. Ou alors si mais je n'avais absolument rien sentis et j'étais morte. J'ouvris les yeux pour découvrir ce qu'il venait de se passer. J'ouvris de grands yeux lorsque je vis deux épées à quelques centimètres de ma gorge. L'une bloquait l'autre. Je profitai de ce merveilleux moment pour ramper très doucement et rester en vie.

    J'observai mon sauveur. Il ne devait pas avoir plus de 15 ans, celui-là... Ses longs cheveux châtains virevoltaient dans le vent. Ses yeux couleur or brillaient de courage et son regard donnait l'impression de protéger une chose chère à ses yeux par n'importe quel moyen... Mon cœur était en train de battre, mais pourtant je n'avais plus peur.

    En un instant, cet Inorays se libéra de l'épée de l'Altirys et... Je m'empêchai de crier lorsqu'une tête roula à terre, non loin de moi. Mes yeux s'horrifièrent devant un tel spectacle... Quelques secondes après, j'entendis des cris de douleurs mais je préférais ne pas regarder, de peur de voir quelque chose de plus horrible que ce qui était à coté de moi.  Une main apparut devant mes yeux. Je levai timidement la tête et vis l'Inorays qui voulait m'aider à me relever.

    Je ne laissai pas passer ce moment. Je lui pris la main et me remis debout. Je regardai mon sauver droit dans les yeux. Celui-ci me sourit.
    -Bonjour chère demoiselle. Nous nous sommes déjà rencontrés par la même occasion, je me trompe ?
    Par la même occasion ? Ho mais... C'était l'Inorays qui m'avait sauvé dans la Contrée des loups ! Qu'il avait changé... Qu'il était beau ! Je me mis à rougir. Non seulement il était d'une politesse incroyable mais en plus, c'était la deuxième fois qu'il me sauvait.

    Le mystérieux Inorays me demanda
    -Tu as plus d’épée ? Te l’a t-on volé ?
    Je lui fis signe que oui d'un hochement de tête. J'étais intimidée. Il continua en se mettant à genoux devant moi ; ce qui me fit rougir encore plus.
    -Au fait, la dernière fois, je ne me suis pas présenté… Mon nom est Eralius ! Je suis paysan niveau 14. Et toi, quel est ton nom ?
    Eralius ? C'était en même temps beau et original... Comme Tolarys. Il se redressa et, après avoir reprit mes esprits, je lui répondis.
    -Je m’appelle Solène…

    Eralius me fit un petit sourire. Je n'arrêtais pas de le fixer. Sa chevelure dorait au soleil, ses yeux brillaient... Je le trouvais si beau... J'en oubliais presque que j'étais dans une grave situation. Que j'étais bloquée dans un jeu. Je m'en rappelai que lorsqu'Eralius s'apprêta à partir. Heureusement, je le retins de justesse.
    -Ne pars pas... Je ne veux pas rester toute seule !
    Il rigola tendrement.
    -La dernière fois, tu tes bien débrouillée seule... Pourquoi veut-tu que je reste ?
    Je lui répondis en baissant la tête.
    -C'est une longue histoire.

    Son regard me demanda de tout lui raconter. Après tout, pourquoi pas ? J'avais échoué avec Tolarys mais je sentais en lui beaucoup de compréhension et d'attention. Peut être qu'Eralius me comprendra ? Nous nous assîmes sur le bord de la fontaine et je pus commencer mon long récit. Lorsque j'eus terminé, je le fixai. Il m'avait écouté jusqu'au bout sans en perdre une miette... Il ne s'en fichait pas... Il ne se moquait pas... Il me croyait !
    -Je comprends maintenant pourquoi tu me disais que ce n'était qu'un jeu... Tu es une habitante de l'autre monde !

    De "l'autre monde" ? Voulait-il dire "La Terre" ? En tout cas, il connaissait mon monde.
    -Heu… Oui… Enfin voilà… Je voudrais rentrer chez moi mais pour ça, je pense qu’il faut que je retrouve le mage qui m’a envoyé ici…
    Eralius se mordit la lèvre et soupira.
    -C’est très dangereux de s’aventurer dans la contrée des Altirys ! Tu ne peux y aller seule ! Tu te ferais tuer à la moindre occasion.
    Éralius avait raison. Si je tenais à ma vie, je devais éviter cette contrée… Comment allais’ je faire alors ? Je ne pouvais pas rester coincée dans ce jeu… Mais Heureusement qu'Eralius avait la solution à tout.
    -Je peux t’accompagner si tu veux. Je ne laisse jamais une demoiselle en détresse !

    Voilà une belle phrase. Là, j'étais bien plus qu'heureuse. Je l'avais trouvé la personne qui m'aiderait à sortir d'ici ! J'acceptai avec le plus grand plaisir qu'il m'accompagne.
    -Bien. Nous partirons demain au coucher du soleil pour avoir le temps de tout préparer.
    Cela me convenait parfaitement. Cependant, il restait un petit problème.
    -Mais heu... Je n'ai nulle part où dormir et...
    Je me fis toute petite. Je lui avais demandé tellement de choses...
    -Et bien, viens chez moi !

    Je soupirai de soulagement. Eralius me fit signe de le suivre. Nous nous dirigeâmes vers l'une des rues qui entouraient l'endroit où j'étais. Quelques maisons après -toutes les maisons étaient mitoyennes-, Eralius s'arrêta. Je devinai que nous étions arrivés. La porte en bois était petite mais assez grande pour que l'on passe sans nous cogner la tête. Les clés n'existaient pas ; les Inorays se faisaient confiance entre eux.

    En entrant, je remarquai qu'il n'y avait qu'une seule pièce composée d'une table, d'un coffre et d'un meuble assez large qui servait sans doute à faire la cuisine. Il y avait aussi un escalier menant à un étage. Nous le prîmes et arrivâmes dans une autre pièce qui ressemblait à un grenier avec une fenêtre. Elle était composée de quelques tas de pailles. Eralius ne semblait pas gêné de cette pauvreté.
    -Bien. Tu dormiras ici.

    Il me montra l'un des tas de sable dans l'un des coins de la pièce. Je me forçai de ne pas grimacer à l'idée de dormir sur de la paille. Mais ce n'était pas le moment de se plaindre... J'avais déjà assez eu d'ennuis. Sans rien dire, je m'allongeai lentement sur mon "lit" et frissonnai ; ça me piquait de partout. Eralius sortit de la pièce après m'avoir jeté un regard encourageant. Après tout, j'aurais pu mal tomber. Je fermai les yeux pour m'envoler aux pays des rêves.