• Virtual love 5

    Dans une grande salle sombre, à peine éclairée par les rayons de la lune et composée d'un seul fauteuil posé sur une grande estrade que l'on pouvait atteindre qu'en montant les nombreuses marches de pierre, un homme habillé d'une longue cape noire était assit sur ce siège, le regard vide. Des pas retentirent, suivit d'un grincement de porte.

    L'homme quitta ses pensées pour voir qui était le coupable de ce raffut. Ce fut un jeune homme que l'on ne pouvait guère distinguer à cause du peu de luminosité de la pièce. Celui-ci s'avança jusqu'en bas des escaliers et se prosterna.
    -Monseigneur. Nous avons une information assez intéressante.
    L'homme assit sur le siège le regarda d'un air curieux.
    -Parle !

    Celui qui était prosterné leva légèrement la tête pour voir si personne d'autres n'étaient dans la salle. Il chuchota.
    -Nous ne savons pas si c'est une erreur mais une rumeur nous est parvenue à l'oreille comme quoi une jeune Inorays serait passée de niveau deux à niveau huit sans faire les autres niveaux.
    L'homme à la grande cape noire s'exclama en se levant de son siège.
    -C'est impossible voyons. En êtes-vous sûr ?
    -Nous en sommes sûr, monseigneur.
    L'homme, pensif, se remit sur son fauteuil.
    -Si vous l'apercevez, amenez-la moi. Si elle nous révèle son secret, cela pourrait nous être très utile...
    L'homme, à genoux, se redressa pour faire une révérence et s'en alla.
    ~~~

    Les rayons du jour me réveillèrent. Je n'avais pas encore la force d'ouvrir les yeux mais j'avais mal partout... Comme si mon lit s'était transformé en paille. Je me redressai difficilement et m'étirai en baillant. Après avoir repris un minimum de force, j'ouvris les yeux.

    La première chose que je vis était un mur en bois. Cela me suffisait amplement pour savoir que je n'étais pas chez moi. De plus, mon lit était réellement de la paille... La peur commençait à m'envahir lorsque je me rappelai que j'étais dans le jeu. Je me mis debout et cherchai la sortie. Je fus rassurée au moment où je vis un escalier en bois qui menait au rez de chaussé.

    Je me dirigeai vers lui en prenant mon temps. Je me souvins m'être demandée "Que pouvait-il m'arriver de pire ?" Et bien, être coincée dans le jeu, peut être ? Je descendis les marches du petit escalier et arrivai au rez de chaussé. La lumière du jour inondait la pièce. Je vis un homme que je connaissais bien, assit sur une des trois chaises de la table en bois -oui, tous les meubles de cette maison était en bois-. Il grignotait une tranche de pain silencieusement.

    Ses yeux d'or, en apercevant ma présence, se tournèrent vers moi et me fixèrent comme s'ils me découvraient. Sa bouche finit par dessiner un très jolie sourire sur son visage. De sa main libre, il me montra une chaise vide, installée à sa droite, près d'une fenêtre.
    -Viens t'asseoir ! Veux-tu du pain ?

    J'hochai la tête d'une manière assez brusque ; j'étais affamée. Je pris volontiers le bout de pain qu'Éralius me donna et le savourais du mieux que je pouvais. Mon hôte lança un regard vers la fenêtre avant de commencer.
    -Je viens juste d'y penser mais... Tu dois avoir un entraineur avec ton petit niveau, je me trompe ? A part si ça fait longtemps que tu "joues"...

    Ah oui ! Mon entrainement... Je l'avais totalement oublié. J'avais promis à Tolarys que je le rejoindrai aujourd'hui. Je fis un regard suppliant à Eralius pour lui faire comprendre que je devais y aller. Celui-ci ne m'en empêcha pas.
    -Ne t'inquiète pas. Je te laisse bien évidemment aller à ton entrainement. De toute façon, si je t'en empêchais, je pourrais me retrouver en prison... Mais laisse-moi t'accompagner !

    Bien évidemment qu'il pouvait m'accompagner... Je ne savais pas pour quelle raison mais je me sentais en sécurité avec lui. Au moins, je ne me referai pas attaquer par ces Altirys. Nous rejoignîmes l'endroit où Tolarys m'avait donné rendez-vous -c'est à dire, dans l'une des rues qui menaient à la fontaine-. Mon entraineur n'était pas du tout en retard.

    Il m'attendait sagement, les bras croisés et le dos collé contre le mur d'un bâtiment qui me disait quelque chose. A ses pieds se trouvaient une deuxième épée -car la sienne était rangée dans un fourreau marron accroché à sa ceinture-. Son sourire s'effaça lorsqu'il vit Eralius m'accompagner. Tolarys s'approcha de moi, les sourcils froncés.
    -Bonjour Solène... Qui est ce paysan ?

    Eralius, par respect de son rang, s'inclina devant Tolarys. Je ne savais pas qu'il était paysan...
    -Mon nom est Eralius. Je suis paysan niveau 14 (il se redressa). J'accompagne exceptionnellement Solène pour vous dire que ce sera la dernière fois qu'elle viendra à son entrainement.
    Tolarys était bouche bée. Je me fis toute petite lorsqu'il me regarda avec un regard fusillant et apeuré.
    -Que... Quoi ?! J'ai mal compris ? Qu'est ce que vous mijotez, vous deux ?
    Eralius continua de répondre sans être intimidé.
    -Solène compte se rendre dans la Contrée des Altirys. Je ne peux pas la laisser y aller seule.

    Tolarys paraissait maintenant beaucoup plus choqué. Il me fixa.
    -Tu as perdu la tête ou quoi ? La Contrée des Altirys... Mais que veux-tu y faire ?!
    Je soupirai et lui dis.
    -Je te l'ai déjà expliqué, Tolarys...
    Mon entraineur comprit que c'était par rapport à notre conversation d'hier. Il n'avait pas l'air d'être plus réjouit.
    -Solène... Tu es devenue folle ?! Déjà tu ne peux pas te rendre là-bas sans avoir atteins le niveau 10 ni sans ton entraineur... Sans oublier que, normalement, tu n'es que niveau deux.

    Je voyais qu'Eralius se posait quelques question. Heureusement, il préféra ne pas les poser et se contenta de lancer en direction de mon entraineur.
    -Et pourquoi tu ne viendrais pas avec nous, toi ?
    Tolarys regarda Eralius un petit moment avant d'éclater de rire.
    -Tu me demandes ça car tu as peur d'enfreindre une loi, c'est ça ? Mais je pense que je n'ai pas le choix. Solène, tu es vraiment sûr de prendre un risque inutile au point de te faire tuer ?

    Oui, je voulais prendre ce risque qui pouvait ne pas être inutile. Mais pourquoi Tolarys avait-il dit qu'il n'avait pas le choix ? Alors  qu'on était obligé de lui demander la permission avant de partir... Mon entraineur était quand même étrange. Cependant, j'étais soulagée. Tolarys et Eralius m'accompagneront dans la Contrée des Altirys et m'aideront à trouver le mage pour que je puisse rentrer chez moi.

    Tolarys revint vers le mur où il avait laissé la deuxième épée par terre et la ramassa. Il me rejoignit et me donna ma nouvelle arme. Je la pris avec délicatesse et méfiance ; jamais dans ma vie, je n'avais touché à une épée. Je serrai fort le pommeau et retirai lentement le fourreau qui protégeait une lame d'une brillance éblouissante... En fait, c'était les rayon du soleil qui se reflétaient sur elle.

    L'épée n'était pas du tout lourde, comme on le racontait dans les écoles. Elle ne faisait pas le poids d'une plume mais je pouvais la manier sans difficultés. Mon entraineur rigola.
    -On dirait que c'est la première fois que tu manies une épée... Quand tu as acheté ta première épée, tu n'as pas eus la curiosité de l’essayer ?
    Je fis non de la tête. C'était bel et bien la première fois que je maniais mon épée... Enfin, que je la maniais réellement.

    Tolarys ne répondit pas. Il m'emmena hors du village Inorays pour commencer mon entrainement. Il fallait avouer que j'avais hâte. J'allai apprendre à me battre avec une épée ! Eralius nous suivit et s'éloigna un peu de nous pour nous laisser travailler. Pendant qu'il s'asseyait dans l'herbe, Tolarys sortit son épée.
    -Bien, je vais commencer par t'apprendre l'attaque basique. C'est la plus simple à faire... Mais pour battre un Altirys, il te faudra en apprendre des plus dures. Regarde bien.

    Tolarys allongea son bras et plia son coude de façon à ce que son épée soit placée verticalement devant son visage. D'un geste rapide, il déplia et replia son bras. En effet, ça avait l'air très simple. Je le regardai faire encore quelques mêmes mouvements jusqu'à ce qu'il me lance.
    -A toi. Tu vas voir, tu y arriveras sans problèmes.
    J'imitais Tolarys en mettant mon épée -que je n'avais pas lâché- devant mon  visage. Je passai à la phase "Attaque" en faisant les mouvements plus lentement mais plus gracieux. J'avais les bras très souples ; ce qui me donnait un avantage.

    -Super ! Par contre, fais tes attaques plus rapides ou ton ennemi aura le temps de t'embrocher.
    Tolarys était fier de moi... Mais je n'aimais pas beaucoup son humour. Je l'écoutai et refis les mêmes gestes en faisant de mon mieux pour, en même temps, qu'ils soient rapides et que je puisse garder l'équilibre. Cette fois, j'avais enfin impressionné mon entraineur.

    -Et bien, tu y arrives. Allez, maintenant, attaque-moi !
    Cette phrase ne me déplut pas. Avec un petit sourire qui cachait mal ma joie, je fonçai sur Tolarys en faisant mon attaque basique mille fois mieux qu'avant. J'y donnai toute mon énergie ; si je pouvais ne serait-ce que le toucher, cela me ferait le plus grand bien. Mais ce bougre bloquait absolument TOUTES mes attaques !

    -Haha, tu te bas comme une lionne. Mais ne te décourage pas si je me défends. J'ai eu un entrainement beaucoup plus long que le tien.
    Essoufflée, je fis une petite pause.
    -Tu pourrais au moins faire semblant d'avoir mal ! C'est ce que j'essaye de faire depuis tout à l'heur.
    Je regardai du coin de l’œil, Eralius qui ne perdait pas une miette de ce que l'on faisait. Celui-ci se retenait de ne pas rire. Tolarys rangea son épée.
    -Bien, notre entrainement est finit. Mais... Tu aurais dû le faire au niveau deux...

    Eralius se leva en demandant.
    -Elle n'est pas au niveau deux ?
    Tolarys me regarda en pensant que ce serait à moi de lui expliquer. Je n'en avais pas vraiment envie... J'avais déjà assez de problèmes comme ça.
    -Heu... Oui... Enfin non, je ne suis pas au niveau deux. Je suis au niveau huit mais... C'est un peu compliqué à expliquer.
    Il n'insista pas.
    -Ok. Bon, je vous laisse. J'ai quelques petites choses à acheter.

    Je regardai Eralius s'en allait au loin. Tolarys se rapprocha un peu plus de moi et, après s'être mit derrière moi, me prit dans ses bras. Je voulus protester mais il  me murmura.
    -Tu ne m'as toujours pas dis comment tu avais fait pour passer de niveau deux à... Enfin, tu vois ce que je veux dire ? S'il te plait, je ne le dirai à personne. Mais il me faut savoir.

    Je lâchai un soupir. Mon entraineur me libéra de son étreinte et attendait ma réponse. Devais-je lui montrer ma précieuse feuille ? Et si c'était l'élément qui me manquait pour qu'il me croie ? Je fouillai dans ma petite sacoche -elle était tellement petite que je ne m'étais pas aperçue que je l'avais- et la lui donnai. Tolarys me la prit des mains et jeta un œil dessus vite fait. Il s'exclama.
    -Mais où as-tu trouvé ça ?!

    Cette fois, s'il ne me croyait pas, c'est qu'il le faisait exprès !
    -Je l'ai trouvé chez moi... C'est grâce à un code que j'ai fait sur mon clavier... Enfin sur une machine, que j'ai réussis à passer au niveau huit... Surtout, ne parle à personne de cette feuille...
    Tolarys n'en croyait pas ses yeux. Je voyais bien qu'il était émerveillé.
    -Mais... Il y a tout pour battre les Altirys !

    Je lui repris la feuille des mains. Décidément, je ne pouvais pas lui faire confiance. Je remis ma feuille d'astuces dans ma sacoche et me dirigeai vers le village, énervée. Tolarys, qui devait être encore désolé pour ce qu'il avait dit, me suivit. Il s'apprêtait à dire quelque chose lorsque soudainement, des cris retentirent, suivis de coups d'épée. Des Altirys attaquaient encore le village ? Tolarys sortit son épée.

    -Solène, va te mettre à l’abri ! Moi je dois y aller...
    Mon entraineur se mit à courir vers l'endroit d'où provenait le vacarme. Moi, je préférai faire demi-tour pour justement me mettre à l'abri. J'aperçus alors Eralius qui, lui aussi, avait été alerté. Il portait un gros sac qui n'avait pas l'air d'être lourd. Il s'approcha de moi et me tendit ce qu'il portait.
    -Tu sais où j'habite maintenant ? Rentre chez -moi avec le sac. Je reviens !

    Je sentis des regards attirés vers moi. Je tournai la tête et constatai que des Altirys s'intéressaient à moi. Je remarquai enfin que j'étais sur le territoire d'une nouvelle bataille et qu'on n'allait pas tarder à m'attaquer. Eralius le sentait. Pendant qu'il se jetait sur eux, je pris la fuite en direction de sa maison. Ma très bonne mémoire me permit de reconnaitre un peu les lieux.

    J'arrivai devant une porte en bois qui était celle de la maison d'Eralius. J'entrai donc à l'intérieur et y déposai le gros sac sans me demander ce qu'il y avait dedans. Un cris me fit sursauter. Je regardai mon épée -maintenant accrochée à ma ceinture- et me demandai si je devais la laisser ou m'en servir. Je choisis de la prendre au cas où. Je la sortis de son fourreau, décrochai celui-ci de ma ceinture et le posai sur la table -il me gênait pour marcher-.

    Je sortis de la maison et découvris avec stupeur quelques cadavres ainsi qu'un jeune Inorays de mon âge qui courait dans ma direction, le visage effrayé. Je regardai au loin ; personne. Je commençais à douter que j'étais la seule personne bizarre ici. En espérant l'arrêter, je lui criai.
    -Hey, qu'est ce qu'il se passe ?

    Je n'eus aucune réponse. Le garçon disparut en quelques secondes sans même que j'aie le temps de voir comment il était. Je m'apprêtai à retourner chez Eralius lorsque j'eus l'impression d'être épiée. Je regardai autour de moi ; personne. Je sentis alors que l'on me prenait les mains et qu'on me les mettait derrière le dos. Je n'avais même pas le temps d'avoir peur qu'un poignard faillit érafler ma gorge.

    Je ne pouvais pas tourner ma tête. Je risquais de me faire égorger. Je sentis un souffle chaud me murmurer.
    -C'est toi la fameuse gamine qui est passée au niveau huit ?
    Des sueurs commencèrent à dégouliner le long de mon visage. Je ne pensais pas qu'un simple code de triche pouvait m'attirer autant d'ennuis. Pour l'instant, le mieux à faire était de ne pas mentir...
    -Oui.

    En entendant ma réponse, d'autres Altirys -tous des hommes- sortirent de nulle part, devant moi. Il y en avait quatre mais en comptant celui qui était derrière moi cela faisait cinq Altirys. Justement, celui-ci enroula une corde autour de mes poignets et la serra. Ça me faisait mal mais je préférai ne rien dire. Je tenais un petit peu à ma vie.
    -Je pense que c'est elle. Emmenez-la !

    Que c'est "elle" ? Déjà, comment avait-il été mis au courant de mon changement brusque de niveau ? Un autre Altirys demanda.
    -Et si c'est la mauvaise personne ?
    La réponse qui arriva ne me plut guère...  Ou plutôt... Ne me plut pas du tout.
    -Alors vous la tuerez.
    Ma respiration s'était presque arrêtée. Dans quelle galère m'étais-je encore mise ? Je n'avais pas intérêt à les embêter. L'Altirys qui était derrière moi, me poussa violemment pour que j'avance. Je ne savais pas où j'allais... Mais il était facile de deviner qu'un groupe d'Altirys allait dans sa Contrée.

    Certes, je me dirigeai vers l'endroit qui me permettrait de retrouver le mage qui m'avait envoyé ici... Par contre, je n'étais pas sûr d'y arriver encore vivante. Nous marchâmes vers l'extérieur du village. L'on pouvait toujours entendre les hurlements de ceux qui se faisaient attaquer... Mais, bien évidemment, il n'y avait personne pour me secourir.

    Nous arrivâmes devant un grand mur de pierres. Pour être plus précise, celui-ci n'avait pas l'air d'avoir de limite. On ne pouvait pas y voir le bout. Au centre était accrochée une étrange tablette noire de la taille d'une feuille de papier A4. L'un des hommes posa sa main dessus. Le mur produisit un effet de lumière blanche, qui laissa apparaitre une grande porte de bois.

    Ce ne pouvait être que de la magie... Mais non, la magie... On n'en voyait que dans les jeux ! Et pourtant, j'étais bel est bien dans un jeu... La grande porte s'ouvrit et quelqu'un me poussa pour que je continus d'avancer. J'essayais de ne pas tomber ; marcher avec les mains attachées derrière le dos était très difficile...

    La première chose qui m'étonna était que le paysage ressemblait beaucoup à celui de la Contrée des Inorays. La seule différence était que l'on se trouvait en pleine forêt. Heu... Je supposai que nous étions dans une forêt puisqu'une multitude d'arbres nous entourait. Nous continuâmes de marcher jusqu'à atteindre un endroit ensoleillé où le sol était fait de pierres et où quelques maisons en briques blanches remplaçaient les arbres.

    Ma peur avait disparut.... Ou plutôt elle s'était faite remplacée par de la curiosité. Et puis, dans le fond, je me sentais protégée par ces quatre Altirys autour de moi... Même si je devrais plutôt me méfier d'eux. Maintenant, nous avions atteins un terrain qui ressemblait à de fins gravillons mélangés au sable. Devant moi se dressait une immense habitation de pierres composée de fenêtres alignées sur quatre étages. le toit plat était entouré d'un petit mur que je ne voyais guère. Nous nous arrêtâmes devant une gigantesque porte de bois.


    Il était simple de deviner que j'étais en face d'un château. Deux des quatre Altirys ouvrirent la porte et nous laissèrent passer. L'intérieur n'était pas terrifiant, heureusement. Ce n'était pas un château comme on les voyait dans les jeux d'horreur. C'est à dire sombres, remplis de toiles d’araignées, poussiéreux... Mais ce n'était pas non plus le château de Versailles. Non, c'était deux longs couloirs ; l'un allant vers la droite, l'autre continuant tout droit.

    Nous prîmes celui de droite. Les fenêtres alignées à droite laissaient entrer les rayons de soleil qui, eux, se reflétaient sur le carrelage blanc et donnait ainsi un éclat de lumière blanche. Sur la gauche étaient placées quelques portes de bois. Entre chaque espace vide étaient ordonnées des armures complètes de chevalier. Je ne pouvais pas savoir s'ils étaient vivants ou non.

    Nous arrivâmes au fond de ce couloir. Une grande porte en bois nous empêchait d'accéder à ce qu'il se trouvait derrière. La peur recommença à m'envahir. Je n'avais aucune envie de savoir justement ce qu'il s'y trouvait. Malheureusement, l'un des deux Altirys restant ouvrit la grande porte qui grinça. Je n'arrêtais pas de regarder autour de moi au cas où un danger arriverait.

    La porte menait en fait à une grande salle plutôt vide. Seulement deux ou trois fenêtres permettaient à la lumière du jour d'éclairer. Cependant, il y avait beaucoup plus de monde qu'ailleurs. L'on me fit arrêtait une fois que j'arrivai au pied de quelques hautes marches. Je levai légèrement la tête pour savoir ce qu'il y avait en haut.

    Je vis d'abord un fauteuil de velours violet et noir puis un homme d'une quarantaine d'années qui avait d'assez longs cheveux noirs lisses avec une petite frange, une petite barbe de la même couleur sur le menton et des yeux marrons très foncés. Il était habillé d'une longue cape couleur jais avec des vêtements sur le même thème... Cet homme ne devait pas rigoler beaucoup...

    L'on me prit soudainement par les cheveux et l'on m'obligea à me mettre à genoux. J'en supposai que ce devait être le chef des Altirys. Mais quand même... Ils pouvaient y aller plus doucement ! Je vis l'un de mes kidnappeurs mettre un genoux à terre et dire.
    -Maitre, c'est elle !
    Je me permit un petit regard vers le "chef". Celui-ci parut plus réjouit de ma présence. Sa voix rauque résonna à travers la pièce.
    -Parfait... Dis-moi, jeune Inorays... Quel est ton secret ?

    Cette voix... Il me semblait l'avoir entendu... Dans mes rêves ! Pourtant, je ne faisais pas de rêves prémonitoires... C'était tout de même étrange. En plus, je ne savais pas vraiment ce qu'il voulait dire par "mon secret" mais un pressentiment me disait que ça risquait d'aller mal, très mal !
    -Quoi ? Quel secret ?

    Je reçus un coup violent sur mon épaule, provenant du coude de l'Altirys qui me surveillait. Le chef des Altirys demanda en fronçant les sourcils.
    -Vous êtes sûrs que c'est la bonne ?
    L'Altirys prosterné confirma.
    -Oui monseigneur. Elle est bien niveau huit et ne sait pas se servir d'une épée.
    Il lui montra une arme dont la lame scintillait au soleil. Je regardait à son fourreau ; la sienne y était toujours... Et la mienne... Il me semblait l'avoir prise mais alors... Ça veut dire qu'il a MON épée dans ses mains ?!

    Je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit que le chef me regarda d'un regard malveillant.
    -En effet. Vous devez l'avoir trouvé...  Bon, l'Inorays. Ne fais pas l'ignorante. J'ai appris que tu étais passée de niveau deux à niveau huit d'un coup. C'est impossible ! Alors répond, comment as-tu fait ?
    Son ton était menaçant. Mais je n'étais pas intimidée pour autant... Après tout, ce n'était qu'un personnage de jeu.
    -Et je peux savoir comment vous l'avez appris ?!

    Le chef me répondit sans attendre.
    -Les informations passent de bouche à oreille. Mais si tu essaies de me faire perdre du temps, ça ira très mal pour toi car je déteste ça ! Alors maintenant, tu vas me dire ton secret tout de suite si tu veux avoir la vie sauve !!!
    Oulah, il devenait de plus en plus menaçant... Je ne savais plus quoi dire ni quoi faire. Je ne pouvais pas leur révéler l'existence de ma feuille d'astuces, quand même. Le chef, voyant que je ne parlais pas, s'impatienta.

    -Tu sais ce qui t'attends, Inorays. Alors pourquoi garder le silence ?
    Je levai les yeux vers lui et osai le regarder droit dans les siens.
    -Et qu'est ce qui m'attend ?
    J'eus l'air un peu bête devant les rires des autres. J'avais bien le droit de poser des questions quand même. Seul leur chef ne souriait pas. Il me prenait surement lui aussi pour une folle. Justement, il se leva de son fauteuil. Sa cape fouetta le sol pour demander le silence.
    -Ce qui t'attend est la mort.

    Ah oui. Là, ça devenait moins drôle. Mourir dans un jeu ? L'idée est bonne mais ne me convient pas tout à fait... Ma peur parla à ma place.
    -Si vous me tuez... Vous ne connaitrez jamais mon secret !
    Le chef se réinstalla sur son fauteuil en haussant les épaules.
    -Peut importe. Si toi seule peut le faire, j'oublierai cette histoire.
    Là, il allait un peu loin... Tant pis, si je voulais vivre, je devais mentir.
    -Je... Je ne suis pas la seule à savoir le faire !

    Maintenant, j'avais gagné la partie. Au moins, j'aurai la vie sauve mais... Je supposai que je n'aurai pas ma liberté. Je me fouillai à la recherche de ma sacoche en espérant que ma feuille d'astuces était toujours à l'intérieur. J'avais beau fouiller, je ne sentais rien. Je jetai alors quelques regards discrets sur moi pour voir où je l'avais mise... Ho, j'espérais que l'Altirys qui avait pris mon épée n'en avait pas profité pour me prendre ma sacoche...

    Je jetai un regard vers lui. Heureusement, il n'avait que mon épée... Je l'avais peut être oublié chez Eralius... Ah, Eralius... Si seulement, il était là. Le chef des Altirys lança en guise de réponse à mon mensonge.
    -Alors, emmenez-là à la salle de torture. Je veux qu'elle avoue !
    Tout de suite les grands mots... J'étais vraiment très mal barrée. Ma respiration augmenta, je ne voulais pas qu'on me torture... D'après ce que j'avais vu sur internet, ce n'était pas super agréable...
    -Non !!!

    Les deux Altirys qui m'avaient emmené ici m'obligèrent à me relever et me prirent par les bras en direction de la sortie. Au moment où ils atteignirent la porte, celle-ci s'ouvrit, laissant place à un homme au courage extraordinaire... Laissant place à mon héros. Je murmurai, soulagée.
    -Eralius...

    Les Altirys qui étaient dans la grande salle ouvrirent de grands yeux. Le chef se leva de son fauteuil et fit quelques pas en avant.
    -Voici un Inorays bien idiot pour venir s'aventurer ici. (Il lança un regard malveillant à ses soldats) Qui surveille le château ?!!
    Les Altirys se regardèrent entre eux. Eralius sortit son épée au moment où ils se jetèrent sur lui. Moi, on me tirait toujours pour m'emmener en salle de torture. Je criai dans sa direction pour lui faire comprendre qu'on ne m’amenait pas dans un bel appartement.
    -Eralius !!!

    Mon sauveur me vit. Il esquiva quelques attaques des Altirys et courut vers moi. Mes deux gardes me lâchèrent en sachant qu'il allaient se faire attaquer. Ils sortirent leurs épées et l'attaquèrent. Eralius bloquait leurs attaques avec une rapidité et une agilité qui me laissèrent bouche bée. Il recula petit à petit vers une fenêtre en me faisant signe de le suivre. Arrivée près de la vitre, il lui donna un coup d'épée franc et la fracassa en mille morceaux.
    -Sors d'ici et cours !

    En voyant le chef qui avait donné l'ordre de m'arrêter une fois de plus, je regardai à travers la fenêtre. Heureusement qu'elle n'était pas haute. Je sautai à travers en priant de ne pas avoir de mauvaise chute. J'atterris à quatre pattes dans le gravillon sans grandes douleurs. Plus de peur que de mal, comme l'on dit.

    Je voyais déjà la grande porte de bois s'ouvrir et quelques hommes en sortir. Je me relevai et me mis à courir comme je pus. J'arrivai vers un village. Malheureusement, d'autres Altirys essayèrent de m'arrêter en voyant que que je n'étais pas des leurs. Je continuai de courir tout droit.

    Je vis alors un assez grand trou rond devant moi. Il y avait une sorte de plaque d'égout à coté. Sans trop y faire attention, j'essayai de sauter au dessus. Mon cœur fit un bond lorsqu'une main attrapa ma jambe et m'entraina dans le trou. Je tombais alors dans deux bras musclés qui me reposèrent à terre. Une main m'aida à me relever. Il faisait soudainement noir ; la plaque dégout avait été remise.

    Je ne voyais rien. Ou si ; juste trois silhouette... En fait, je voyais une sortie un peu plus loin qui permettait d'éclairer au minimum. Une voix résonna.
    -On peut savoir ce que tu fais ici ?
    Une autre voix lui répondit.
    -C'est une Inorays. Rends-la Wen !
    Une troisième voix rajouta.
    -Elle n'a rien sur elle. Je doute même qu'elle soit niveau 10... Que fait-elle sur notre Contrée ?

    La première voix fit taire les deux autres.
    -Taisez-vous. Elle va s'expliquer. Déjà, qui es-tu, jolie Inorays ? Et que fais-tu ici ? Je suppose que tu n'es pas venue de ton grand plaisir.
    Devais-je leur raconter ? Ils m'avaient sauvés, je leur étais reconnaissante. Je leur expliquai donc pourquoi l'on m'avait enlevé et ce qu'il s'était ensuite passé. Mon récit en avait laissé plusieurs sans voix.

    -Je ne pensais pas qu'on pouvait passer de niveau deux à niveau huit...
    La "deuxième voix" ne savait que répondre. Ce fut la dernière qui conclut.
    -Tu es vraiment courageuse d'avoir résisté au chef... Nous, on ne l'aurait pas fait avec le vôtre. Bon, on va t'aider discrètement à rentrer dans ta contrée et...
    J'étais maintenant habituée à la sombre obscurité qui régnait. J'arrivais à distinguer les trois Altirys devant moi. Mais... Il y en avait une quatrième derrière eux ! Pourtant, il me semblait qu'il n'était que trois...

    "Voyons les gars, vous faites de la traitrise ? Ce n'est pas très bien ça !"
    Les trois Altirys se retournèrent en sursaut. Ils avaient maintenant peur. Le plus courageux d'entre eux tenta d'expliquer.
    -M... Maitre, nous voulions juste la ramener dans sa Contrée... C'est une femme avec un bas niveau... Elle n'est pas une menace pour nous.
    Le nouvel arrivant se mit exactement à l'endroit où la lumière passait le mieux. Je pus donc distinguer son physique.

    Mes yeux s'ouvrirent lorsque je découvris sa beauté. Il avait des cheveux noirs ébouriffés, des yeux verts éclatants à demis caché par une frange du même style mise sur le coté droit et avait l'air d'avoir mon âge. Ses habits violets étaient cachés par une cape noire dont le bout était un long col. Sa voix pure  était celle d'un jeune adolescent ayant à peine mué.

    Mon cœur battait pour cet homme. C'était une sensation que je n'avais jamais eus auparavant. J'étais amoureuse... Cet être pur s'approcha de moi en me dévisageant. Après cela, il esquissa un sourire qui me fit rougir. Sa voix de cristal rompit le silence qui s'était formé.
    -Pas une menace ? Elle risque quand même de le devenir... Je vais la ramener au château.

    Personne ne protesta... Pas même moi. En vérité, je voulais protester. Je n'y arrivais pas. Ses doux yeux verts m'ensorcelaient et me redonnaient confiance. Il me prit la main et m'emmena hors de cet endroit. En arrivant dehors, je fus surprise de constater que c'était une grotte et que nous étions en pleine forêt.

    Celle-ci me semblait calme et le soleil était légèrement caché par les arbres fruitiers. Je me demandai si cet homme ressentait le même sentiment que moi... Non, il ne m'aimait pas. Sinon, pourquoi me ramènerait-il au château ? Mon ventre gargouilla. Je ne savais pas quelle heure il était mais j'avais faim. L'Altirys me regarda ; ce qui me fit rougir. Il s'arrêta pour cueillir une pomme et me la donna.
    -Tu dois avoir faim.

    Bien sûr que j'avais faim. Par politesse, je lui répondis.
    -Heu... Merci !
    En guise de réponse, il me sourit. J'étais rouge comme la couleur du fruit. Je croquai dedans avec appétit. L'Altirys n'avait toujours pas lâché ma main. Nous arrivâmes devant un étang. Le soleil se reflétait dans l'eau. J'avais le cœur serein. Je ne m'inquiétais même pas de ce qui allait m'arriver lorsque je serai retournée au château.

    -Veux-tu faire une petite pause, jolie Inorays ?
    Il me trouvait jolie ? Un sentiment de honte et de fierté s'empara de moi. Je fis un "oui" maladroit de la tête. L'Altirys rigola et s'assit au bord de l'étang en m'invitant à faire de même. L'eau était calme. Ma main était toujours dans celle de mon partenaire... J'étais au paradis. Je ne pensais pas que je vivrais un moment pareil dans ma vie...

    L'Altirys me fixait, je le sentais. Je tournai la tête vers lui et le dévorai, moi aussi, du regard. Sa bouche s'ouvrit pour parler.
    -Quel dommage qu'une jolie fille comme toi appartienne à la tribu des Inorays.
    Je baissai les yeux.
    -En fait, je n'ai pas choisi dans quelle tribu j'allais être.
    L'Altirys soupira.-
    -Je ne veux pas te livrer à... Au chef... Mais tu dois le comprendre. Je n'ai pas le choix.
    Je lui répondis sans réfléchir.
    -Si ! On a toujours le choix !

    J'étais stupéfaite de ma réponse. Je regardai comment mon compagnon allait réagir. Il paraissait penseur. Je me rapprochai un peu plus de lui et, sans le savoir, ma tête toucha son épaule. Je voulu la retirer mais l'Altirys me la retins et me la caressa de sa main douce et chaude. C'était un si beau moment, j'aurais tellement aimé que ça dure... Mais il soupira avant de se lever.
    -On va y aller...

    Une fois de plus, je n'arrivai pas à protester. Il m'aida à me relever et nous continuâmes notre chemin. Un moment, je crus entendre des pas différents des nôtres... Mais mon compagnon les entendit aussi et sortit son épée en s'arrêtant. Je vis soudain une silhouette qui nous barra la route. Je souris lorsque je reconnus mon entraineur.
    -Tolarys !
    L'Altirys s'approcha du nouvel arrivant.
    -Encore un Inorays ? Et bien, la pêche aura été bonne aujourd'hui.

    Il s'apprêta à l'attaquer lorsqu'une autre personne venant de je ne sais où atterrit sur lui. Sous le poids, l'Altirys tomba à terre. Je dévisageai Eralius et regardais en hauteur. Une branche d'arbre assez solide était au dessus de nous. Il avait donc grimpé sur elle pour tomber sur cet Altirys... Tolarys avait sortit son épée et s'apprêtait à lui donner un coup mortel lorsque d'autres pas retentirent.

    Tolarys rangea son épée et Eralius se releva.
    -Viens Solène, on s'en va !
    Nous nous mîmes à courir pour échapper au groupe d'Altirys qui venait d'arriver. Tolarys s'exclama.
    -Dépêchons-nous de rejoindre notre campement avant que ces Altirys ne le découvre !
    Je demandai, stupéfaite.
    -Vous avez eu le temps d'installer un campement ?
    Mon entraineur hocha la tête en continuant de courir.
    -Pendant qu'Eralius essayait de te sortir de là, je me suis permit d'installer nos affaires en pensant que l'on ne sortira pas d'ici aujourd'hui.

    Nous arrivâmes dans un endroit disons... "normal" de la forêt où une tente avait été installée. Tolarys regarda le soleil qui se couchait.
    -Nous ferions mieux de dormir. Solène, va dans la tente. J'y ais installé quelques fruits. Eralius et moi on va essayait d'en trouver d'autres.
    C'est ce que je fis. J'entrai dans ce grand tissus blanc installé de façon à former une forme de triangle et y découvris un petit paniers remplis de diverses fruits.

    Après m'être rassasiée, je découvris ma sacoche dans un coin de la tente. Voilà qui me soulageait ! Je m'allongeai en m'étalant et fermai les yeux. J'étais exténuée. Je repensai au moment où ce bel homme m'avait touché la main. Je tressaillis. Si ce groupe d'Altirys n'était pas arrivé, Tolarys et Eralius l'auraient tué... Je m'endormis en me disant que tout allait bien. Que cet Altirys était sans doute chez lui, dans une maison de bois, en dormant sur de la paille....